Le concours kiné, boycotté ou abrogé?

L’opposition grandit. Chez les diplômés concernés comme chez les politiques.

Cela chauffe et cela urge autour du concours imposé, le 30 octobre, à ceux des kinés francophones fraîchement diplômés qui veulent s’installer comme indépendants. Pour rappel ("La Libre" du 1er octobre), l’épreuve a paru inévitable dès lors que 392 francophones (chiffre au 19 octobre) sont candidats aux 293 places contingentées. C’est là une première côté francophone, à l’inverse de la Flandre qui y échappe alors qu’un pareil concours y était devenu habituel. Soit la perspective d’une centaine de diplômés sur le carreau - sauf à trouver place comme salariés dans des institutions, pour autant que ce soit partout si évident. Or, nombre d’entre eux disposent déjà d’un numéro d’agrément provisoire jusqu’à décembre et sont déjà au travail. Or, et surtout, d’ailleurs, l’Onem reconnaît officiellement, depuis 2009, le métier parmi ceux que l’office qualifie en pénurie. Mais, le concours se déroulera-t-il normalement ?

D’abord, à l’Union des kinésithérapeutes francophones et germanophones de Belgique (UKFGB), on fait état de dizaines d’e-mails reçus en quelques jours, qui font part de suggestion, souhait ou volonté de kinés concernés de boycotter l’épreuve. Quand bien même la menace mise à exécution pourrait se retourner contre ses auteurs

"Ce ne sont pas des mots en l’air, ces gens sont au bord du "burn-out", il y a une tendance sûre à boycotter, témoigne le président de l’UKFGB, Didier Bertinchamps. Pour cent diplômés, ce serait terminé ! Parce qu’ils auront été recalés, ils ne pourront plus jamais exercer comme indépendants ! C’est de la folie. On ne se moque pas du monde ainsi."

Et l’Union l’annonce : elle ne manquera pas de se faire entendre au jour du concours, confié au Selor. Lequel, de surcroît, met au point un questionnaire à choix multiples qui s’intéresserait abusivement à l’organisation de la profession plutôt qu’à son exercice.

Le second front est politique. A plusieurs reprises, la ministre des Affaires sociales, Laurette Onkelinx (PS), a publiquement exprimé sa préférence pour la suppression du concours, renforcée par l’avis répété de la commission de planification en mai 2009, puis en mai dernier. Mais voilà, en affaires courantes, elle ne peut faire modifier les dispositions existantes.

Elle l’a confirmé mardi après-midi, en commission de la santé publique à la Chambre, à trois intervenants. "On a joué avec les pieds des étudiants", accuse David Clarinval (MR), dont la collègue Kattrin Jadin s’inquiète du sort de quatre concurrents germanophones qui, de plus, ne pourraient passer l’épreuve dans leur langue maternelle Tandis que Catherine Fonck (CDH) évoque une situation "tout à fait inhumaine" autant qu’absurde par rapport aux besoins et aux principes de libre circulation des diplômés.

La chef de groupe humaniste a déposé mardi une proposition de loi tendant à abroger, avec effet au 15 octobre 2010, le dispositif en vigueur (l’arrêté royal du 20 juin 2005). Mais pour avoir quelque chance, minime, de passer en temps utile, pour autant qu’elle ne soulève pas de problème politique ou juridique, encore faut-il qu’elle soit prise en considération dès ce jeudi en séance plénière alors que l’on ne sait pas encore si celle-ci aura lieu.

Coincée par le temps, Mme Fonck n’a dès lors pas renoncé à une alternative : passer quand même par le gouvernement. Elle a demandé hier à Mme Onkelinx s’il ne pourrait instaurer un moratoire. "Il faut respecter ces étudiants en situation difficile en leur disant la vérité : pour le moment, c’est impossible d’un point de vue juridique. L’examen est donc prévu, il se fera. Il n’y a aucune possibilité légale d’instaurer un moratoire", a répondu une ministre catégorique. Pourtant, la députée CDH "travaillera" encore les ministres en ce sens dans les dix jours à venir. Puisqu’il "va falloir être innovant" sur la conception des affaires courantes, nous dit-elle, ne serait-ce pas l’occasion de s’y essayer ?

Paul Piret

Mis en ligne le 20/10/2010 sur www.lalibre.be