Réseaux Multidisciplinaires Locaux - RML

Suite à la double invitation, celle des RMLs (notamment celle de Charleroi) et celle des administrateurs (Marie-Françoise Dewez, Jean-Pierre Leduc et Didier Kellermann) de l’Association des Kinésithérapeutes de Charleroi (AKC), je me suis rendu en compagnie du président de l’UKB, Didier Leva à une importante réunion Inter-RML englobant tous les RMLs de Wallonie (voir article du secrétaire adjoint de l’UKB et président de l’AKC dans ce Kiné-Varia News). Les coordinateurs des RLMs souhaitaient prendre connaissance de l’offre de collaboration du secteur de la kinésithérapie dans la prise en charge des maladies chroniques.

Avant de vous faire part du résumé de mon intervention, un historique et une définition du RML s’imposent.

1. RML, historique et missions (1)
Après la publication de l’Arrêté Royal du 21 janvier 2009 définissant les trajets de soins, la Commission nationale médico-mutualiste lança un appel à projet pour la création de réseaux multidisciplinaires locaux (RML). Le point d’ancrage du financement de ces projets devait être formé par les cercles de médecine générale.

En préface du lancement des trajets de soins, deux projets pilotes ont entre autres eu lieu à Alost et Louvain autour
des soins diabétiques. Ces projets avaient démontré que les réseaux multidisciplinaires locaux pouvaient offrir un soutien important aux acteurs concernés.

Les premiers RMLs ont été mis en place en 2009 sur base d’une convention entre un ou plusieurs Cercles de médecins généralistes, l’INAMI et les SISD (Service Intégré de Soins à Domicile) locaux.

Depuis le 1er janvier 2016, les RMLs sont subsidiés par les régions et plus par le fédéral et une convention tri annuelle a été signée pour l'année 2017-2018-2019.

Les missions générales telles que définies par la Région Wallonne sont les suivantes :


A. Missions relatives aux trajets de soins :
• L'organisation d'un réseau multidisciplinaire local offrant un soutien à tous les acteurs (tant dispensateurs de soins que les structures) qui collaborent à l'exécution locale de l'arrêté royal du 21 janvier 2009 relatif aux trajets de soins.

• la récolte, la mise à jour et la diffusion de l’information relative à la dispense des soins pour les patients avec un contrat de soins et relative aux dispensateurs de soins et organisations qui collaborent au niveau local aux trajets de soins (e.a. dresser la carte de tous les partenaires, sans exclusion de partenaires ou structures qui entrent en ligne de compte pour l'exécution des trajets de soins).

• le soutien et la facilitation des initiatives locales relatives à la fourniture d’informations aux dispensateurs et aux patients avec un trajet de soins.

• le soutien et la facilitation de la communication, du partenariat et de la concertation locale entre les dispensateurs qui collaborent à un trajet de soins.

Les RMLs se veulent donc également une structure de soutien (information, rencontres, organisations d’événements) aux prestataires en première ligne (médecins, infirmières, pharmaciens et kinésithérapeutes).


B. Missions visant à encourager le développement d'une prise en charge intégrée centrée sur les besoins des malades chroniques :

• chaque RML établit un plan d'action annuel qui démontre le développement d'une prise en charge intégrée centrée sur les besoins des malades chroniques (ce qui sous-entend de ne pas se centrer uniquement sur le diabète et l'insuffisance rénale).

• en 2017, chaque RML effectue une analyse des demandes, des besoins et des ressources disponibles sur la zone d'action. Celle-ci permettra d'identifier les actions prioritaires à réaliser. Cette analyse s'établira en collaboration avec les acteurs existants (SISD, OWS, etc.)

• le RML développe différentes composantes issues du "chronic care model" réalisé par le KCE

- activités de prévention
- empowerment du patient
- case-management
- concertation et coordination (y compris les échanges de bonnes pratiques)
- le dossier patient intégré
- le développement d'une culture de qualité

Le RML ne peut pas exercer les activités qui reviennent spécifiquement aux SISD (services intégrés de soins à domicile)   


2. Offre du secteur de la kinésithérapie Intervention devant l’Inter-Rml du 22 janvier 2019

Le rôle du kinésithérapeute dans la prise en charge des maladies chroniques n’est pas évident pour tout le monde. Lors de mon intervention j’ai donc mis en évidence, chiffre à l’appui, l’augmentation importante du budget total des soins de santé consacré aux conséquences des maladies chroniques. Les autorités, suivant les directives européennes et celles de l’OMS ont développé un certain nombre d’initiatives visant à adapter l’offre en soins de santé. C’est ce qui apparaît notamment dans le cahier des charges des RMLs.
Parmi les recommandations, notons également, la nécessité de mettre en place des programme de réhabilition et d’activités physiques adaptées. Suite à cette introduction, j’ai tracé les contours de l’intervention du kinésithérapeute en première ligne et en collaboration avec les autres prestataires de soins.

Le kinésithérapeute est un partenaire de choix dans la mise en place de ces nouvelles orientations.

La kinésithérapie a les moyens de jouer un rôle important dans la maîtrise des conséquences négatives sur la santé consécutives à ces affections grandissantes. Le kinésithérapeute, de part sa formation, est en mesure de participer à ces missions de santé publique. Il est l’expert du mouvement, de la biomécanique humaine , le spécialiste en READAPTATION et en reconditionnement physique. Un retour aux fondamentaux de notre profession est à entreprendre. Pour rappel, le master en kinésithérapie est né en 1957 par une spécialisation des études en éducation physique.

L’Union des Kinésithérapeutes de Belgique souhaite revaloriser l’intervention de la kinésithérapie en première ligne en s’engageant fermement dans ces missions de santé publique en cours de développement en collaborant activement avec les autres professionnels de la santé au sein de structures locales spécialement conçues pour cela.

Quelles seraient les modalités d’action du kinésithérapeute ? Selon 2 axes :

1) l’évaluation biométrique et des capacités fonctionnelles au départ de la prise en charge et ensuite, à intervalles réguliers ;

2) la réadaptation et l’exercice physique adapté de manière individuelle ou collective ainsi que son suivi en dehors de la présence du kinésithérapeute.

A. L’évaluation

Cette étape est essentielle afin de mesurer les capacités fonctionnelles de manière standardisée et reproductible. Des mesures biométriques sont prises et un certain nombre de tests standardisés sélectionnés sont complétés.

Ces tests sont des outils permettant la planification de la prise en charge et le contrôle de qualité aussi bien pour les kinésithérapeutes que pour les autres prestataires.

Elles doivent donc être accessibles et comprises par les autres prestataires et par le médecin-traitant afin que ceux-ci puissent disposer de ces éléments pour leur prise en charge.

Concrètement, le médecin prescrit une séance intitulée «examen à titre consultatif». Cette séance n’est pas un préalable à une prise en charge en kinésithérapie. Elle est remboursée une fois par an.

Etant donné le timing serré de 30 minutes, il faudra sélectionner le ou les tests les plus adaptés à la situation du patient. Si un budget supplémentaire est dégagé, cette évaluation pourrait se réaliser de manière plus complète et ce, en 1 heure. Afin de gagner du temps et d’être plus efficace, le kinésithérapeute devrait disposer de certains éléments du dossier.

Idéalement, le patient se présentera avec le questionnaire d’aptitude à l’activité physique (Q-AAP) (2) pré-rempli. Il permet de mettre en lumière un problème à la remise en activité physique

Précautions :

- Chez les patients BPCO, la saturation en 02 est prise avant et après l’effort.
- Chez les patients diabétiques la glycémie est prise avant et après l’effort.
- Chez les patients avec troubles de la tension, celle-ci est prise avant et après l’effort.

4 types d’évaluation seront envisagés :

a) le risque de chute :

- L’échelle d’équilibre de Berg (BBS) (3) : Le score total varie entre 0 et 56 points; un score élevé correspond à un meilleur équilibre. Un score de 0 à 20 est associé à un trouble de l’équilibre, de 21 à 40 à un équilibre acceptable et de 41 à 56, à un bon équilibre.
- Timed up and Go test (4) : évalue les transferts, les postures, les changements de directions et la marche.
- Test d’équilibre unipodal (5): évalue la proprioception. Sujet sur une jambe les yeux fermés le plus longtemps possible.

b) la capacité d'endurance :

- Test de Ruffier-Dickson (6) : 30 flexions en 45 secondes. Prendre le pouls avant, de suite après l’effort et 1 min après l’effort. Résultats d’une formule donne la capacité d’adaptation à l’effort.
- Le Step Test des 3 minutes (7) : métronome à 96 battements par minute, le candidat monte sur un step de 15 cm à chaque battement pendant 3 minutes. Le pouls est pris sur 1 minute.
- Test de marche de 6 minutes (6MWT) (8) : parcourir la plus longue distance sur un laps de temps de 6 minutes.

c) la force musculaire :

- Testing musculaire (tester une fonction et non par muscle) (9) : cotation de 0 à 5 en fonction du test.
- Test de force de préhension avec dynamomètre (10) : en fonction de la tension obtenue exprimée en kg, une extrapolation de l’état musculaire de l’ensemble du corps peut être réalisée.
- Test de flexion du bras (Arm curl test) (11) : assis sur une chaise, réaliser le plus grand nombre de flexions du bras avec un poids de 2 kg pour les femmes et de 3 kg pour les hommes.
- Test du lever de chaise (Five Time Sit to Stand) (12): se lever sans l’aide des bras 5 fois le plus vite possible. Chronométrer le temps réalisé pour les 5 répétitions.

d) la souplesse :

- Test de Schober (13) : réaliser un repère entre la 5e lombaire et 10cm au-dessus. Après flexion, on mesure la distance entre ces deux repères. Attendu +5cm.
- Back Scratch Test (14) : Teste la souplesse des membres supérieurs.

B. L’exercice physique adapté ou Exercice Medecine

L’activité physique est bénéfique dans de nombreuses affections chroniques selon des protocoles et des précautions rigoureuses et précises (15, 16, 17, 18). Etant donnés les risques élevés (complications cardiaques, respiratoires, musculosquelettiques, etc…), il est donc impératif de se tourner vers un thérapeute connaissant ces risques et l'impact des différentes modalités d'exercices selon la pathologie dont souffre le patient. Dans le même ordre d’idées, il serait imprudent et irresponsable de confier certains patients (à déterminer dans le protocole d’évaluation) à des professionnels n’ayant pas les qualifications requises pour les prendre en charge. Un dosage bien étudié permettra un reconditionnement physique progressif et un recul de certains paramètres et une amélioration de la qualité de vie dans de nombreux cas.

L’évaluation correctement entreprise (cf. document protocole d’évaluation) déterminera le type d’activité physique vers lequel le patient sera dirigé ainsi que l’intensité avec laquelle elle sera pratiquée.

Le but ultime des activités physiques de groupe est d’arriver à ce que le patient se familiarise à l’exercice et qu’il soit convaincu de poursuivre de manière autonome ou de manière collective (activité de groupe organisée par un kinésithérapeute ou si la situation le permet, club de sport, associations, …). Celui-ci jouera un rôle de conseiller et de guide afin d’atteindre cet objectif.

Il est important de différencier les activités récréatives (qui ont certainement leur place également dans l’amélioration de la qualité de vie) et les activités physiques poursuivant des objectifs paramétrés. Le risque est réel qu’une activité ayant des objectifs de reconditionnement physique se transforme en activité récréative. La vigilance et la rigueur sont de mise !

Dans la mesure du possible, il est indiqué de proposer une activité physique comprenant une composante mixte endurance-résistance ainsi qu’une musculation progressive des principaux groupes musculaires. En fonction des évaluations effectuées, les patients seront regroupés par niveau de conditions physiques, d’autonomie et selon l’activité physique choisie.

- Activités physiques autour et sur chaise (19)
L’avantage de cette activité est qu’elle ne requiert pas beaucoup de matériel et qu’elle s’adapte aux personnes ayant une condition physique très faible. Il est également intéressant pour les individus présentant un problème d’équilibre en position debout. Des personnes valides y trouveront également les conditions pour améliorer leur condition physique. L’activité peut être intense ou modérée. Ceci dépendra du groupe formé qui devra être le plus homogène possible. Si cela n’est pas possible, il faudra travailler en atelier (sous-groupes faibles, moyens et forts travaillant simultanément mais de manière différente).

- Parcours d’activités motrices (20)

Cette activité est très modulable et permet de travailler à l’intérieur (salle omnisport ou pièce suffisamment spacieuse) comme à l’extérieur (parc, grande terrasse, etc…).
Un parcours est défini sur lequel seront placés toute sorte d’obstacles (cônes à contourner, barre à enjamber, escalier à monter et descendre, médecine ball, etc… L’intensité et la vitesse d’exécution seront adaptées aux capacités des patients en fonction des résultats des évaluations effectuées.

- Marche nordique (21, 22, 23)

La marche nordique est une activité pouvant être pratiquée tout au long de l’année. Les seuls investissements sont les bâtons (nordic sticks) et de bonnes chaussures. Les bâtons ont le double avantage de donner plus de stabilité et de faire travailler plus de groupes musculaires.

Elle permet également de se reconnecter avec la nature tout en produisant un bénéfice santé. Ici également, des groupes homogènes doivent être réalisés.

Un périmètre et une cadence de marche seront établies de façon à obtenir un travail permettant d’obtenir des résultats. Un des paramètres à relever et qui donne une idée de l’intensité de travail est la fréquence cardiaque (FC). Essayer de travailler à 60 à 70% de la FCmax (qui est 220-l’âge).

- Vélo d’entrainement, vélo elliptique et rameurs (24)

Ce type d’activité exige la mise à disposition d’un certain nombre d’appareils dans un même local. Une fois cet obstacle franchi, ces engins présentent l’avantage de mieux calibrer l’effort et d’établir un programme très précis. Les vélos elliptiques et les rameurs permettent un travail plus complet car les membres supérieurs sont également sollicités. Il conviendra aux personnes possédant chez eux ce type d’engin ou ayant l’intention de s’en procurer.

3. Prochaines étapes…

Suite à cette réunion importante (historique), un accord sur différentes actions a été établi. Outre le cadastre de kinés par localité et souhaitant participer aux objectifs ci-dessous,
un cadre méthodologique détaillé sera proposé et des concertations avec les kinésithérapeutes seront envisagées. Nous devrons également recenser et valider les structures proposant des activités physiques adaptées répondant à un cahier des charges précis.

Là encore apparaît la nécessité d’avoir des associations de kinésithérapeutes au niveau local (à l’image de l’AKC et de l’UKILL) qui seront les interlocuteurs privilégiés des RMLs
dans chaque région. Rappelons que l’UKB soutient financièrement. et logistiquement les kinésithérapeutes souhaitant former une association locale.

Saïd Mazid,
Vice-Président UKB


Webographie et références

(1) http://www.rml-liege.be/accueil/un-rml-cest-quoi

(2) http://www.bougersante.ch/site/images/stories/pdf/Q-AAP.pdf

(3) https://www.gymdoucesenior.fr/tests-evaluation-equilibre/

(4) http://www.cofemer.fr/UserFiles/File/ECH.1.7.1.%20GetGo.pdf

(5) https://entrainement-sportif.fr/test-equilibre.htm

(6) http://sciences-et-cetera.fr/wp-content/uploads/2016/01/Test-ruffier-dickson.pdf

(7) http://tle.westone.wa.gov.au/content/file/e8711780-7fc5-40ac-adb5-aa858bf3c1f7/1/805_001_1.zip/pti001_1_lr4/pti001_1_lr4_4.htm

(8) https://www.hug-ge.ch/sites/interhug/files/structures/pluriprofessionnels_de_sante/3.04testde6minutes.pdf

(9) http://www.cmub.fr/wp-content/uploads/2016/09/Testing_musculaire.pdf

(10) http://cdoms13.fr/test_de_force/test_de_force_prehension

(11) https://clinicalportfolio.files.wordpress.com/2016/07/arm-curl-test2.pdf

(12) https://cnfs.ca/agees/tests/mesurer-la-capacite-physique/test-du-lever-dechaise-ftsst

(13) https://www.irbms.com/test-de-souplesse-du-rachis/

(14) https://www.topendsports.com/testing/tests/back-scratch.htm

(15) https://www.ssmg.be/avada_portfolio/diabete

(16) WHO. Obesity preventing and managing the global epidemic. Report of a WHO Consultation on Obesity . Geneva : World Health Organisation ; 2003

(17) http://www.em-consulte.com/rmr/article/937450/

(18) https://sgsm.ch/fileadmin/user_upload/Zeitschrift/64-2016-2/2-2016_5_Saubade.pdfhttp://guidelines.diabetes.ca/CDACPG_resources/FR/5_Exercice_de_musculation.pdf

(19) http://vivelesaidants.fr/2017/09/21/seniors-gym-douce-aidant-aide-activites- debout-chaise-parcours/fiche 2

(20) http://vivelesaidants.fr/wp-content/uploads/2017/09/VivelesAidants-DeboutChaiseparcours.pdf - fiche 3

(21) https://www.mc.be/votre-sante/corps/bouger/marche_nordique

(22) https://www.youtube.com/watch?v=5GuWLZAVvVI

(23) http://www.fibromyalgielaval.org/club-de-marche-nordique-p808.html

(24) https://entrainement-sportif.fr/cardio-training.htm